Ça y est : ils sont tous partis.
L’été a encore un joli mois pour s’exprimer, mais c’en est fini de la période estivale.
Leur période à eux : lorsqu’ils viennent, avec leurs shorts, leurs sacs à dos, leurs lunettes et leurs casquettes.
Leurs guides et leurs cartes. Leurs tentes et leurs camping cars.
Les touristes. Avec leurs enfants ou leurs cheveux blancs. Et parfois les deux.
Les visiteurs de l’été, aux accents de France et d’ailleurs. Les Parisiens en masse, les Allemands, les Anglais, les Hollandais. Les Italiens et les Espagnols, côtoyant Normands et Limousins. Nos touristes.
Qui amènent avec eux, de début juillet à fin août, leur envie de ralentir, leurs airs décontractés, leurs nez levés et leurs sourires satisfaits, pour admirer les beautés d’ici.
Eux qui donnent aux rues de Brest leurs airs de promenades du dimanche en plein milieu de la semaine.
Eux sur les plages, eux sur les routes avec leurs plaques d’immatriculation dont on essaye de deviner le département.
J’ai l’impression qu’ils sont venus encore plus nombreux, cet été.
À venir accueillir l’Hermione. À aérer leurs planches à voile qui avaient dormi toute l’année dans des coins de hangars. À marcher des heures durant sur les côtes, indifférents aux caprices du soleil qui jouait à : « J’y vais ? J’y vais pas ? ».
Ils étaient là. Ils ont savouré cet été et cette Bretagne qu’ils avaient attendus tout l’hiver.
J’ai toujours vu des gens agacés par les touristes. Sur les routes, surtout. Ils s’énervent, ils doublent, ils collent, il appuient sur le champignon de leur pied d’autochtone agacé.
Moi, je n’étais pas ici, je ne suis plus là bas. Je suis contente de A à Z (c’est meilleur pour le teint, croyez-moi). Alors les touristes, moi, j’aime bien quand ils sont ici, tout l’été.
À leur manière d’être là et d’apprécier tout, ils mettent l’ambiance, les touristes.
Tout semble s’adapter à leur rythme à eux. C’est l’été, c’est relax.
Et ici, dans Brest et surtout sur les côtes : tout ressemble aux vacances. Même avant qu’on y soit vraiment. Même après être rentrés.
Ils s’en vont, créant dans leur sillon ce désagréable appel d’air.
Vient le dernier week end d’août. Qui parfois est le premier week end de septembre.
Et les derniers touristes s’en vont. Nos touristes personnels, ceux qui étaient là pour nous voir, retournent à leurs vraies vies lointaines.
Ils laissent derrière eux : le vide. Cet appel d’air que créent ceux qui s’en vont et qui chamboule toujours un peu ceux qui restent.
Je n’ai jamais aimé être de ceux qui restent. Parce que lorsqu’on reste après ceux qui s’en vont, on sent le vide. Le silence qui se fait d’autant plus grand que juste avant, les rires et les brouhahas des grandes tablées d’été remplissaient tellement tout.
Aujourd’hui, je fais partie de ceux qui restent.
Chaque année, j’accuse le coup de ce samedi mélancolique.
Ce jour de fin de saison.
J’avais observé leurs soupirs d’aise à l’arrivée et j’ai lu dans leurs regards la résignation du retour, qui se rassure dans les promesses d’autres étés qui viendront. Dans cette journée de césure entre les vacances et la rentrée, je le ressens de manière brute et intense et crue : le temps qui passe.
Parce qu’ils étaient arrivés avec l’assurance des grands souvenirs qui s’écriraient pendant deux mois.
Et sont repartis, après avoir si bien vécu la vie, emportant avec eux ces époques qui ne seront plus jamais.
Alors il passe, ce samedi tristounet. Il sent le vide et le désarroi. Il ressemble à la lassitude et à l’immobilité.
Et une fois que le vent à soufflé dans le trou d’air que le départ à créé : tout revient à sa place.
L’enthousiasme débordant, l’envie de me lever le matin, mes émerveillements pour chaque petit tout et tous les grands rien. Tout revient.
Et l’incrédulité héritée de cet été 2013, où j’étais partie en vacances et n’en suis jamais revenue.
Quand j’y pense, j’ai envie de rire. Franchement !..
Ils partent tous, et moi : je reste. Je suis comme l’enfant qui s’est si bien caché qu’il observe avec délice tous les adultes s’arracher les cheveux à essayer de le trouver. Alors qu’il est juste là, tout à côté, et qu’il a trouvé la meilleure des cachettes, le petit malin.
Alors le dernier dimanche de la saison, c’est plage. Comme en vacances, puisque nous y vivons.
Et c’est ainsi qu’elle reprend, la vie normale.
La vie de l’année. Et chaque septembre apporte avec lui, et sous des formes nouvelles, le plaisir de tous ces « maintenant » merveilleux qui nous attendent. Le bonheur des premières fois de demain. La nouvelle maitresse, les nouveaux défis, et mon cœur qui grossit de les voir grandir en vrai de vrai, avec toute cette vie qui les attend. Et nous, avec eux.
L’excitation des balises de mon chemin, que je passe une à une, sans jamais m’ennuyer. En m’amusant de manière si constante et exponentielle que je commence à trouver ça suspect, d’éprouver autant de plaisir à l’idée de repartir pour un tour, pour travailler davantage.
La voilà, cette fin d’été en demi-teinte. Ils sont tous partis. Ils reviendront. Chaque fois je serai contente de les voir arriver. Tous les ans, je serai triste au moment de leur départ.
Et pourtant, toujours, j’aurai dans la tête cette voix d’enfant qui croit que tous les rêves peuvent être réalisés, et qui me rappellera, au cas où j’aurais oublié : « Ouais mais toi… Tu restes ici».
C’est si bon d’être parmi ceux qui restent ici, ceux qui n’ont pas le cœur déchiré à l’idée de repartir, ceux qui n’ont pas à attendre l’année prochaine pour revenir!
Oui ! C’est d’autant meilleur que je m’en souviens comme si c’était hier : de toutes ces fins d’été où j’ai noyé ma vitre de train de larmes en regardant la Rade s’éloigner…
ton billet me fait penser à cette vieille chanson de mon adolescence
https://www.youtube.com/watch?v=UgYS1OiRqfc
avant la lecture de ton billet j’avais tendance à râler contre les touristes envahissants, je vais tâcher de me soigner …
merci !