5 idées fausses mais presque vraies sur la vie d’un entrepreneur

Connaissez-vous ce phénomène des fluctuations de la mémoire ?
Ou comment on oublie vite, finalement, dans la vie. On oublie les noms, les dates, les codes d’entrée d’immeubles (enfin pas moi, j’ai une mémoire de dingue. Le code c’est : 32B58).

Celle que l’on oublie avec le plus grand talent, c’est la pensée. Oui elle, là : dans nos têtes. Cette chose qui existe, pourtant. Qui ressemble à des vérités. Parfois oui, parfois non.
Celle qui ment aussi, admettons-le : elle nous fait croire des choses, fondant ses observations sur des éléments souvent très discutables.
Reine de l’interprétation. Déesse de l’auto-persuasion… Impératrice d’un monde que nous créons dans notre tête : fait d’un mélange doux-amer de réel et de gros bobards.

Je pense. Et puis j’oublie (musique).

Oui, la vie passe. Le paysage bouge. La pensée se meut avec lui et continue de construire ses histoires. Dans la pensée d’aujourd’hui, toute vraie et toute fausse à la fois, j’oublie celle d’hier : qui n’était pas mieux.
Sauf que j’ai été la chercher. Je l’ai retrouvée. Et j’ai bien ri.
J’ai ravivé quelques teneurs de ma pensée « ante entrepreneuriae » ( : terme scientifique issu du latin et inventé par moi-même).

Ha comme j’ai ri.

J’ai repris ces quelques traits dont l’idée que je me faisais de l’entrepreneuriat était faite. Je les ai comparés avec ce qu’entreprendre est pour moi aujourd’hui : une réalité bien tangible, qui ne laisse que peu de place à l’affabulation. Croyez-moi.

Je me suis dit que je n’étais sans doute pas seule à m’être forgé cette idée de la question : avant de savoir. Et peut-être pourrions-nous en rire ensemble : aujourd’hui.
Ho ben si ! Allez, soyez sport !

Pour rétablir la vérité sur un thème donné, on procède souvent à une analyse comparative sur le mode du « vrai/faux ».
Mais dans la vie d’entrepreneur, rien n’est si tranché. Tout est de nuances et de contrastes fait.
C’est pourquoi je vous propose aujourd’hui mon « faux mais presque vrai » de la vie d’entrepreneur(e).

Allons-y !

« Si j’étais ma propre patronne, je ferais les horaires que je veux. »

Équivaut à dire « je travaillerais quand je veux ».
Qui revient à dire : « souvent je ne bosserai pas : parce que je le pourrai. Tranquille Bibill».
(en plus Bibill, ça n’existe pas)

Bon… Trions.

Si j’étais patronne, je travaillerais quand je veux. Certes. D’ailleurs, j’aurais le droit de ne pas travailler. Pas faux. Enfin… presque vrai.
Personne ne va me gronder. Personne ne va me virer.
Surtout qu’une fois que ma boîte aura coulé : il n’y aura plus personne à virer.
Parce qu’en effet, d’après mes observations : si je ne travaille pas, mon entreprise ne fait rien non plus. Ce qui serait le chemin le plus sûr et le plus direct vers l’échec. Alors oui : si je veux, je glande. Et si je glande, je meurs (ou presque). Donc faut voir si ça en vaut la peine…

Quant au « je ferais les horaires que je veux ». Faux mais presque vrai. Oui, techniquement, je peux choisir de commencer ma journée à 5h du matin : et à 14h, fini (ça tombe bien, c’est l’heure de la sieste).
Mais dans la réalité euh… ben non : je ne fais pas les horaires que je veux. Déjà parce que si je dors la nuit je travaille mieux le jour, j’ai remarqué.
Et puis je vis en société, entourée d’autres êtres humains.
D’ailleurs, je trouve ça vraiment chouette (parce que si je reste trop longtemps toute seule je me parle à moi-même, en anglais, et en essayant plusieurs accents différents. Et franchement c’est bizarre).

Il y a les êtres humains de ma maisonnée : avec leurs horaires, leurs obligations, leurs rythmes. Et si nous voulons vivre bien, ensemble, nous devons harmoniser tout ça.
Et il y a les êtres humains dans les entreprises avec lesquelles je travaille (ou ai vocation à travailler) : et ça ne va pas fonctionner entre nous si je leur impose tous nos rendez-vous dans le créneau 5h-7h du matin ou 22-24 h (et je ne peux pas : c’est l’heure à laquelle je regarde mes DVD de Grey’s Anatomy).

Bref, si je veux que mon projet aboutisse, la gestion de mon temps de travail dépend de réalités extérieures. Pas que. Mais quand même. Alors « je fais ce que je veux, je fais ce que je veux », d’accord. Mais il vaut mieux que je m’adapte.

Presque vrai, tout de même : parce que ma position d’auto-cheffe unipersonnelle de moi-même me donne le droit d’établir certaines règles concernant mes horaires de travail. Par respect pour moi-même et ce que j’attends de ma vie professionnelle, notamment. Parce que ça me ferait bien mal où je pense de faire tous ces efforts et de ne pas avoir le droit de faire la loi une fois de temps en temps. Par exemple pour moi : jamais de rendez-vous après 18h, parce que c’est l’heure à laquelle commence mon temps de vie privée, et j’y tiens.

« Si j’étais ma propre patronne, je serais à l’abri du burn out, du stress, et de tous ces trucs nuls réservés aux salariés »

Équivaut à dire : « comme je suis ma propre patronne et que je m’aime et me respecte, je vais être gentille avec moi-même. Et m’auto-traiter avec bienveillance, patience et indulgence. »
Faux mais presque vrai.
Cette idée-là est dans la digne lignée de la précédente.

C’est mignon, cette manière de croire que, quand on est à son compte, tout est plus doux, plus confortable. Plus écologique de soi-même, voyez-vous.
Et c’est cocasse comme en réalité, c’est plus complexe que ça n’en a l’air.

En tant que salariée, il m’est arrivé de connaître des pics de stress, oui. Des périodes de forte tension, c’est vrai. Jamais, pour autant, n’ai-je frôlé le début des franges de mes propres limites psychologiques et/ou physiques. Dans un emploi salarié, je posais mes limites sans trop de difficultés et j’ai toujours réussi à ne pas laisser le travail m’envahir de partout : il était plutôt facile d’établir cette distance protectrice.

En tant qu’entrepreneure, je n’ai jamais été aussi proche, aussi régulièrement, du craquage.
En choisissant cette vie j’ignorais à quel point je me plaçais moi-même aux premières loges pour un bon vieux burn out. Le genre qu’on ne voit même pas venir.

Pourquoi ? Comment ?

Je vous explique :
Entrepreneur = qui crée une entreprise à partir d’une idée rien qu’à elle(lui), pour faire un travail qui lui plait vraiment. Qui l’habite du fond des tripes, qui le passionne.
Quand on se lance dans ce genre d’aventure, à construire ses journées de passion, de foi, d’esprit conquérant : on ne se considère pas toujours comme étant en train de réaliser l’acte de travail.
Ben ouais. Dans ma tête, je me dis : « c’est pas comme si je bossais : je suis passionnée, c’est comme si j’étais à un cours de poterie ou en train de peaufiner ma collection de grenouilles en céramique. »

Pire, à l’interjection de l’entourage « Mais tu travailles, trop ! », beaucoup d’entre nous répondent, les yeux cernés, scotchés à leur écran pour répondre frénétiquement au mail d’un client : « mais je ne travaille pas, je suis passionnée : je fais ça pour moi ».

Voilà comment, sans le voir, et même avec les meilleurs intentions du monde : nous glissons vers l’épuisement.
Et le plus intéressant, c’est qu’un entrepreneur niera dans 88,6% des cas son état de Burn Out. Pas par mauvaise fois, mais parce qu’il ne le voit pas.
Ben oui, déjà qu’il ne sait pas qu’il bosse quand il bosse alors si vous vous attendez à ce qu’il soit capable de voir qu’il est fatigué quand il est fatigué…

Si vous en voyez un dans ce cas, stoppez-le sans détour car sinon : seule la mort le fera (je fais comme les vrais médias : je dis des choses qui font très peur pour faire de l’audience. N’ayez crainte : lorsque je parle de mort, en fait, je veux dire « profond et durable malaise »).

« Si j’étais ma propre patronne, je me donnerais des jours de congés à l’envie : du moment que le travail est fait »

C’est faux mais presque vrai.
Haaa c’est beau ! Le vieux fantasme de la « journée de congé inopinée qui m’a prise comme une subite envie de me gratter ».
Ce n’est pas qu’un fantasme. C’est vrai que je peux décider de ne pas travailler demain (et de fait, demain je SUIS en congé, si vous voulez tout savoir).

Mais caser une journée « off », quand on est à son compte, c’est mille fois plus dur que ce qu’on imagine.
Dans la vraie vie d’entrepreneur, le « travail de la semaine » qui est fini plus tôt que prévu, de sorte que je peux décider d’entamer mon week end le jeudi midi : on oublie.
Dans ma réalité il n’y a plus de « travail de la semaine ».
Il a juste : du travail.

Et il n’a pas de limites. Si on veut, quand on est son propre chef, on peut même considérer que le travail n’est jamais, et ne sera jamais : fini.
Alors quand arrive le vendredi soir, je suis souvent soulagée à l’idée d’avoir un week end entier devant moi pour gratter quelques tranches de travail à la dérobée : entre la sieste du samedi après-midi et le dessin animé du dimanche. Oui comme ça : pour bosser tout le temps, sans jamais m’arrêter.

Et si on me dit « mais prends du temps pour toi !!! » (phrase généralement prononcée avec agacement et une pointe d’impatience) j’ai une réponse toute logique : mon entreprise c’est mon projet. Mon projet, c’est ma vie. Si je m’occupe de mon entreprise, je m’occupe de moi. Trop facile.

En devenant entrepreneur, nous subissons un court-circuit du cervelet qui fait que nous développons une ignorance exponentielle de la notion de pause.
On pourrait, mais on oublie.
Je parle au pluriel parce que tous les entrepreneurs que je connais tombent dans ce travers. Ho ben oui, quand même : parce que c’est un travers que de ne jamais s’arrêter de travailler. Je suis capable de trouver de bonnes excuses pour le faire. Mais je sais aussi que c’est MAL.

Par contre : si on apprend vite, on peut acquérir un certain talent de la pause. Et c’est vrai que la vie d’entrepreneur c’est aussi, avec une grande facilité : décider de prendre quelques jours de vacances sans avoir à demander d’autorisation à personne.
Et donc, je suis en vacances ce soir pour 5 jours. J’apprends.

« Ce qui sera génial quand je serais ma propre patronne, c’est que l’argent généré par mon travail ira directement dans ma poche

* Pause fou-rire *
Cette idée-là est énorme : je l’adore.

Mais ouiiiiii ! Ho ben oui : « l’argent généré par mon travail ira directement dans ma poche ». D’où il ressortira aussitôt pour aller dans d’autres poches non moins confortables. Je ne sais pas moi… Euh, l’Urssaf, un truc comme ça.

Moi j’ai de la chance : j’ai été jusqu’au bout du bout. J’ai opté pour le statut de société.
L’argent que je gagne entre directement dans les caisses de ma société. Il est à elle. Pas à moi. On dirait que c’est pareil mais en fait non, vraiment pas.
Sauf le jour où je vends ou extermine ma société : alors là oui, l’argent sera pour moi (mais je n’aurai plus de société. Il y a vraiment un pour et un contre en toute chose dans la vie, voyez-vous).

Pour arriver jusqu’à ma poche, l’argent que JE génère doit faire l’objet d’un bulletin de salaire. Dans lequel ma société pourra lister l’ensemble des autres poches par lesquelles mon argent devra passer avant d’arriver aux miennes.
Et enfin, ma société aura également le très grand bonheur de donner encore une partie de l’argent que j’aurais généré, moi, à l’Urssaf.
Résultat ? 50% de ce que je gagne n’est pas à moi.

Et puis pour fêter ça, à la fin de l’année : je lâche encore mon impôt sur le revenu, comme tout le monde. Et plus je gagnerai d’argent, plus je paierai… mais bon ça, vous connaissez hein.

Quand je pense à l’argent ces temps-ci, je ris. Je ris jaune, mais je ris ( cf. « mieux vaut en rire qu’en pleurer »).

Par contre : je trime dans le vide, certes. Et c’est dur. Pour l’instant. Mais ce n’est pas sensé durer. Chaque devis signé, chaque ligne ajoutée à mon tableau excel sont une nouvelle balise vers mes objectifs. Et par ailleurs, La fierté que j’éprouve lorsque j’envoie une facture pour encaisser la somme méritée par un travail fait rien que par moi reste une drogue dont je ne me passerai plus.

Je dirais même plus : passer par ma période actuelle d’austérité me permet de réaliser que je n’ai pas choisi de devenir ma propre cheffe pour l’argent. L’argent j’aime beaucoup ça. Ce que j’aime par dessus tout : c’est pouvoir payer mon loyer et de quoi nourrir mes enfants (j’ai des plaisirs terre-à-terre). Mais ce n’était pas mon premier moteur dans cette décision. Un jour, peut-être, j’en gagnerai des tonnes. Mais pour l’instant ma société en gagne, et moi : pas encore. Donc il y a sans doute mieux que cette vie-là pour qui est pressé d’avoir de l’argent.

Alors, quelle était ma motivation ? Mon envie fondamentale était de construire une entreprise qui porterait mes valeurs et apporterait quelque chose de bon. Des réponses à des problèmes que j’avais identifiés. Pour les gens. Pour le mieux. Et que l’argent viendrait en récompense de ce que j’apporterais. Chaque matin, je ne me lève pas pour l’argent : je me lève pour accomplir une mission.

Moralité : je suis pauvre mais je m’éclate.

PS : pour ceux qui paniquent en lisant les lignes qui précèdent, il existe des solutions de soutien financier pour les entrepreneurs débutants. Car on ne croirait pas, mais peu de gens peuvent se permettre de passer 3 ans sans salaire (bizarrement).

« Si j’avais ma propre entreprise, je serais tout le temps heureuse et de bonne humeur : c’est ça, vivre de sa passion »

Faux mais presque vrai. Mais suffisamment vrai, tout de même.
Ha oui : vivre de sa passion ! Travailler comme on l’aime, la tête pleine de chansons, un sourire constamment accroché au coin de la bouche.
Oui, la vie d’entrepreneur contient de ça. C’est tout le principe, en même temps.
Mais… il faut composer aussi avec le doute constant, l’incertain, la peur, la panique.
Les égratignures de la confiance en soi. Les moments où la foi se perd dans le brouillard.

Dire que la vie d’entrepreneure est une journée de soleil qui n’en finit plus est une sorte de mensonge simpliste. Il y a du vrai. Mais c’est plus nuancé, dans la réalité. En tant qu’entrepreneur, nous portons l’énorme responsabilité de notre propre compte en banque (et ya du boulot, cf. le point précédent). Ce qui donne lieu à beaucoup de remises en questions et de moments de stress qui peuvent ternir, parfois, le bonheur de vivre enfin de sa passion.

Mais j’ai quand même dit que c’était presque vrai parce que, en effet : vivre d’un travail qui me passionne, ça veut aussi dire que ma motivation et ma résistance aux émotions perturbatrices sont plus fortes que jamais. Ce n’est pas facile tous les jours. Il y a même des jours très sombres. Mais je me relève sans trop de difficultés (notamment parce que mon entreprise a besoin de moi. Et souvenez-vous : mon moteur, c’est mon entreprise).

Depuis que je me suis lancée dans cette aventure, il n’y a pas eu un seul matin où je n’ai eu cette envie trépidante de me plonger dans ma journée. Cette impatience de me remettre au travail.
J’aime les dimanches. Plus étrange encore : j’adore le dimanche SOIR (grand moment de déprime pour beaucoup de gens, il paraît que la science le confirme). Ha le dimanche soir ! Doux moment où je sais que dès le lendemain matin, ce travail dans lequel j’ai tout à construire m’attend pour une nouvelle semaine toute fraiche !

J’ai dû réajuster par mal d’idées que j’avais concernant la vie d’entrepreneure, c’est vrai.

Il n’en reste pas moins que l’idée très optimiste que je m’en faisais, si elle est plus nuancée dans la réalité, reste presque vraie. La vraie nuance : c’est que tout ça est très difficile, tout en étant indéniablement grisant (contraste).
En cela je suis obligée de confirmer que ma vie est considérablement plus propice au bonheur maintenant que je suis ma propre cheffe.

Et vous, quelles idées vous faites-vous de la vie d’entrepreneur ?
Et pour ceux qui l’ont expérimentée : avez-vous eu des surprises ?

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7 Comments

  1. Quel plaisir de vous lire ! Tout est tellement vrai et…un peu faux 😉 Les horaires, les vacances, le stress des comptes, la chance de faire ce que l’on aime et défend… j’aime aussi bcp le paragraphe concernant « le temps pour soi », j’ai les mêmes réponses et les mêmes réactions en face ! Les jours, les mois se suivent et ne se ressemblent pas, mais ils sont un peu mieux organisés qu’au début. De même, je pense mieux cerner mes limites et tente de déléguer…je fais maintenant appel à des personnes qualifiées pour des tâches que je ne maîtrise pas totalement plutôt que de m’enteter et de perdre du temps car…time is money 😉 Bravo en tous cas pour cette façon souriante de décrire LA situation de patronne-de-soi-même et bon courage pour ces 5 jours de vacannnnnces 🙂

  2. un beau petit aperçu de ce que peut être notre vie d’entrepreneuse 😉
    gardons le sourire, travaillons, évitons le burn-out… et prenons des vacances !!

  3. Je ne changerais pas un mot.
    Exactement le même constat réaliste : fauchée mais… pas envie de changer pour l’instant. C’est bon de savoir pourquoi on se lève le matin et d’en être heureux 🙂

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